03 - Réglementation européenne : la France peut faire la différence*** si elle garde le cap !

Par rapport aux autres « grands » de la chimie européenne embourbés dans leurs intérêts à court terme, l'Allemagne et le Royaume-Uni, la France s'est distinguée en matière de politique sur les PE : deux lois ont été adoptées successivement et à l'unanimité des parlementaires pour interdire le bisphénol A dans les biberons depuis 2011, puis dans les contenants alimentaires, effective depuis janvier 2013 pour ceux destinés aux 0-3ans et entrant en vigueur en 2015 pour le reste. Les députés français ont aussi tenté de légiférer sur les phtalates et les parabènes mais la proposition de loi n'est jamais passée devant le Sénat.

Perturbateurs endocriniens et réglementations européenne

Enfin, en janvier 2013, tous les eurodéputés français ont voté en faveur du rapport Westlund *1, rapport qui préconisait la réduction de l'exposition aux perturbateurs endocriniens et qui était soutenu par le ministère de l'Environnement français. Par ailleurs, l'ANSES, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement, s'est prononcée par deux rapports en faveur d'actions contre le BPA et pour une remise en cause de la dose journalière admissible (DJA) fixée par l'Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) en dépit de l'hostilité de cette dernière ; ce faisant, l'ANSES est devenue la 1re agence au monde à accréditer officiellement le changement de paradigme toxicologique des PE.

Cette conjonction d'une classe politique conscientisée, d'une expertise en pointe (malgré une recherche publique asphyxiée financièrement) et de médias attentifs, est unique en Europe et donne d'autant plus de responsabilités au gouvernement français pour jouer un rôle moteur dans l'adoption d'outils réglementaires pour réduire notre exposition aux PE.

Au-delà des enjeux franco-français de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE), il faut en effet que l'Union européenne se dote de tests toxicologiques adaptés et de critères techniques pour rendre opérationnelle la définition scientifique des PE et réduire notre exposition. C'est ce qu'elle doit faire en 2013-2014 en mettant en place une définition précise de ce que sont les perturbateurs endocriniens. Il faudra que cette définition soit suffisamment inclusive pour permettre de mettre en place une interdiction des substances chimiques connues pour être des perturbateurs endocriniens, et notamment se conformer à la révision du règlement pesticides adoptée en 2009, en assurant, à partir de fin 2013, le retrait du marché de tous les pesticides reconnus comme perturbateurs endocriniens, sans chercher à ajouter des critères arbitraires pour en dispenser certains.

Cependant, des lobbies sont actifs en coulisses pour maintenir coûte que coûte le statu quo aux dépens de notre santé et de l'environnement : producteurs de pesticides qui souhaitent annuler les effets de la loi de 2009, industries chimiques, géants de la cosmétique et firmes pharmaceutiques en tête mais aussi des industries concernées par tel ou tel usage de PE et qui préfèrent jouer la carte de la paralysie institutionnelle que celle de l'innovation saine et écologique.

Pour que la France, aux côtés des pays scandinaves, de la Belgique et d'autres Étatsmembres de bonne volonté, puisse influencer le jeu européen, il est nécessaire que le gouvernement tranche en faveur des positions défendues par le ministère de l'Environnement en s'appuyant sur la dynamique nationale portée par la société civile, les parlementaires de tous bords et les scientifiques. Il lui incombe également de fixer une feuille de route pour l'innovation et d'appuyer le « redressement industriel » sur le changement de paradigme des PE.

*1  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&reference=A7-2013-0027&language=FR

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