La transition agricole et alimentaire, c’est l’affaire de tous !

Les crises sociales, environnementales, sanitaires et économiques que traverse notre société sont connues, mais leur dimension alimentaire et agricole n’est pas toujours mise en lumière. Or, les réponses apportées aux questions agricoles peuvent largement transformer voire résoudre une partie des autres crises du XXIe siècle. Il est donc urgent que l’ensemble de la société civile fasse entendre sa voix et s’implique dans les débats et actions sur l’évolution de l’agriculture. Il ne peut pas y avoir de refondation de notre société sans une transition agricole et alimentaire, et cette dernière est l’affaire de tous.

L'agriculture conventionnelle dans une impasse

Les constats sont désormais partagés : notre agriculture dite « conventionnelle » est dans une voie sans issue. Ses choix techniques et économiques ont fait illusion pendant 50 ans, mais se heurtent à présent au principe de réalité. Son coût social est alarmant (chômage, suicides d’agriculteurs dans l’indifférence, fermetures ou délocalisations agro-alimentaires, perte d’exploitations agricoles) tout comme son coût environnemental (pollutions, érosion et perte des sols, perte de biodiversité préoccupante, émission de 21 % des gaz à effet de serre français en particulier à travers l’épandage d’engrais azotés). Elle ne permet pas de répondre aux exigences de bien-être animal. Parallèlement, les aléas climatiques sont largement sous-estimés.

L’usage massif des pesticides est dramatique aussi bien pour l’environnement (mortalité des abeilles et autres pollinisateurs, pollution des eaux) que pour la santé humaine. Les pesticides ne se retrouvent pas seulement dans nos assiettes, mais également dans l’air que nous respirons et dans les milieux où nous vivons. Leurs conséquences sanitaires sont une véritable bombe à retardement. N’oublions pas que les agriculteurs en sont les premières victimes !

Un accaparement des terres et des semences

L’accès au foncier, c’est-à-dire la possibilité pour un agriculteur non-conventionnel et ne venant pas du milieu agricole de disposer de terres, devient de plus en plus difficile. C’est la conséquence d’une concentration obsessionnelle des moyens de production (agrandissement continu des fermes depuis la fin du XIXe siècle) et de dispositifs de gestion du foncier qui ont été dévoyés par un fonctionnement à huis-clos non-démocratique. Il est inadmissible que les terres agricoles qui se libèrent servent presque systématiquement à agrandir des fermes industrielles déjà en place, au lieu de permettre l’installation de nouveaux paysans.

Ce problème est renforcé par l’emprise urbaine et de nombreux grands projets inutiles (autoroutes, aéroports...), qui détournent les terres de leur usage agricole : actuellement, l’équivalent d’un département français disparaît tous les 7 ans. La situation n’est pas meilleure à l’échelle mondiale, puisque de nombreux pays du Sud et d’Europe de l’Est subissent un accaparement de leurs terres par des États et des multinationales, parfois en expulsant les populations locales pour installer des cultures d’exportation ou d’agrocarburants.

Les paysans ne disposent pratiquement plus de semences adaptées aux différents milieux de cultures ou adaptables. Les choix de la recherche agronomique et la réglementation française et européenne ont conduit à une standardisation des semences et à une négation des droits et pratiques millénaires des paysans. Même si des groupes de paysans s’efforcent de faire à nouveau évoluer des variétés anciennes et de recréer une diversité de variétés adaptées ou adaptables aux milieux agroclimatiques, ils peuvent se faire spolier par des brevets industriels.

Un modèle qui écrase les humains et les animaux

Plus d’un milliards d’animaux sortent de nos élevages français chaque année, souvent hors-sol. De nombreux éleveurs laitiers oublient que les vaches sont des ruminants et les nourrissent par du maïs cultivé en France de façon très polluante et du soja OGM importé du Brésil, au lieu de les faire tout simplement pâturer de l’herbe. Les bovins destinés à la production de viande sont pour la plupart également issus d’ateliers industriels, avec des animaux entassés en batiments sans accès au paturage. Les élevages hors-sol de porcs et de volailles vont encore plus loin dans la négation de l’animal, et contribuent en outre à des pollutions dramatiques (algues vertes). Une partie de l’élevage français est devenu une machinerie industrielle, qui détruit à la fois les humains, les animaux et l’environnement.

Cette agriculture est de plus en plus pauvre en emplois, puisqu’elle poursuit une logique engagée à l’issue de la seconde guerre mondiale : remplacer les hommes par des machines et de la chimie. Si cette logique pouvait avoir un sens en 1950 lorsque l’énergie semblait abondante et lorsque la main-d’oeuvre manquait dans les autres secteurs économiques, elle devient absurde et suicidaire à une époque où l’énergie est de plus en plus rare et chère, et où le chômage s’est installé pour longtemps ! Tout le « modèle agricole » français est construit pour réduire les emplois, à commencer par la fiscalité qui est profondément défavorable à l’embauche de salariés. Il est urgent de reposer la question de l’emploi agricole et de favoriser les systèmes riches en main-d’oeuvre.

Enfin, les traités transatlantiques CETA et TAFTA risquent d’accentuer les fragilités de notre agriculture, en renforçant la logique ultra-libérale favorable à l’agrandissement, à l’industrialisation et à la négation de l’environnement et des humains. Ces traités dangereux illustrent une logique déjà à l’oeuvre vis-à-vis des pays du Sud de la part des États-Unis et de l’Union européenne.

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